Tu aimes l’architecture, les chats (sinon, ouste!), le soleil et tu veux avoir le sentiment d’emprunter la route du bout du monde?
Au départ de Miami dont l’aire urbaine dépasse les 6 millions d’habitants, il va falloir mettre le cap vers le sud en direction des Keys, cet archipel de plus de 800 îles qui s’alignent en face de Cuba. Allons-y pour 260 km de la « U.S. Route 1 » qui devient la mythique et si bien nommée « Overseas Highway » lorsqu’on se détache du continent. Le macadam survole l’océan et vous transporte d’île en île par 42 ponts, au milieu d’une eau turquoise, de mangroves et de pélicans.
Viens, je t’emmène jusque Key West, le point le plus au sud des Etats-Unis!
Le terminus, c’est donc « l’ile de la dernière chance, celle où l’on va vivre lorsqu’on a échoué partout ailleurs »… (Alison Lurie dans son livre « Un été à Key West »)
Si le temps est mauvais quand tu arrives à Key West, attends 5 minutes. L’île est la plus sèche et la plus ensoleillée de Floride. Derrière les bougainvilliers et les palmiers se cachent d’impressionnantes maisons blanches coloniales ou de charmants cabanons fleuris. Ici le style mélange la Louisiane et les Bahamas.
La ville de Key West a toujours attiré les artistes et particulièrement les écrivains. Ernest Hemingway y a vécu une dizaine d’années avec sa femme l’une de ses femmes et leurs enfants dans les années 30. Il y aurait écrit 70% de son oeuvre et s’est souvent inspiré de l’endroit. On comprend vite que le personnage est indissociable de l’île et son ombre se balade encore dans les pubs et les ports de la ville. Une des attractions touristiques principales est d’ailleurs la visite de son incroyable maison, à deux pas du phare de la ville.
Transformée en musée, cette bâtisse de 1851 semble avoir été comme protégée des ouragans successifs par le luxuriant jardin tropical qui l’enveloppe véritablement. A l’entrée, le premier panneau qu’on puisse lire peut surprendre : « Please, don’t pick up the cats »

Parce que oui, en fait, Hemingway était un amoureux des chats. Et pas n’importe lesquels. Les chats d’Hemingway sont pour la plupart polydactyles. Aujourd’hui encore, une cinquantaine de petits félins se baladent dans les pièces de la maison et le long des chemins qui parcourent le jardin. A l’origine, un capitaine de bateau aurait offert « Snow White » à l’écrivain, un chaton ayant des doigts surnuméraires. Immédiatement fasciné par cette anomalie génétique, Hemingway et ses enfants se sont mis à les collectionner, portées après portées.
En temps normal, un chat voit le jour équipé de 5 doigts à chaque patte avant, 4 à chaque patte arrière. Les chats d’Hemingway peuvent en avoir 6 ou 7 sur la même patte, « Jake » détenant le record mondial de 7×4=28 doigts sur le même matou. Well done Jake!
La polydactylie est liée à une mutation génétique sans conséquence néfaste sur la santé de l’animal. Au contraire, cette particularité peut être un atout pour le chat d’un point de vue équilibre et dextérité. Ils seraient d’excellents chasseurs et étaient particulièrement appréciés par les marins. En les emportant en mer comme porte-bonheur, ils avaient la certitude de ne pas croiser de rats à bord de leurs bateaux…
Il est possible de rencontrer des chats polydactyles dans le monde entier mais les individus de race Maine Coon sont les plus prédisposés. 30 à 40 % d’entre eux auraient au moins un doigt en plus dans certains pays.

En tout cas, les descendants des chats d’Hemingway sont bien soignés. Le musée à son propre vétérinaire (je te remplace quand tu veux, appelle moi) et ils sont vaccinés, traités contre les parasites, ont une assurance maladie et un plan de santé dentaire… Pour le bien-être de tous (petite pensée pour les voisins), ils sont stérilisés. A l’exception de quelques chanceux qui ont le droit de s’amuser, histoire d’assurer les générations suivantes.
Les traditions d’Hemingway sont encore respectées aujourd’hui. Depuis le début, un coin du jardin est transformé en cimetière et tous les chats disparus ont droit à leur pierre tombale. Comme le voulait l’écrivain, ils portent tous le nom de personnes célèbres, ce qui permet à Pablo Picasso de reposer à proximité de Marilyn Monroe (et de Simone De Beauvoir).
Pour l’anecdote, la piscine à l’arrière de la maison fut la première construite sur l’île. Une folie à l’époque rendant l’écrivain très fier mais fauché. En cherchant un petit moment, on peut retrouver « son dernier penny » qu’il aurait ancré symboliquement dans le ciment au bord de la piscine à la fin de sa construction. Bon, allez, j’ai envie d’y croire.

Voila pour la douceur tropicale de Keys où l’on se sent parfois plus aux Caraïbes qu’aux Etats Unis. En même temps, on est pus proche de La Havane que de Miami. J’ai même entendu un habitant de Key West dire : ici, on est moins loin de Cuba que d’un hypermarché!
Si vous avez la chance de passer par là, perdez-vous dans les petites rues de la ville. Faites aussi comme tout américain qui se respecte et allez voir le coucher de soleil sur Mallory Square (« The most beautiful sunset in the world, dude! »). Et si en remontant la Overseas Highway vous retrouvez mon drone dans lequel il y avait quelques photos pas trop mal, je vous offre un chat polydactyle super sympa en échange!
Le slogan de la ville, carrément cheesy mais qu’il est parfois bon d’entendre aux Etats-Unis : All people are equal members of One Human Family.
Et à cela ils ajoutent : Comme les doigts d’une main, nous sommes tous différents et uniques, nous avons tous la même valeur, nous sommes faits pour fonctionner ensemble, et même si nous semblons séparés, nous sommes tous liés l’un à l’autre.
En bonus pour ceux qui ont vu la série Bloodline sur Netflix, tournée presque exclusivement dans les Keys, vous devriez reconnaître la fameuse Rayburn House… L’endroit est magnifique et situé à Islamorada, un peu plus au nord que Key West…
Quel bel article ! Encore plus attirant probablement quand on a été au centre de l’action. Merci pour ce moment.
Merveilleux article qui donne tellement envie d’y aller et de ramener un chat avec pleins de doigts!
Merci pour cet instant suspendu dans le temps…de magnifiques photos et un texte très bien écrit !
J’ai visité la maison ce matin, et en lisant votre article (je cherchais des renseignements sur la polydactylie),j’ai trouvé des détails que je n’avais pas remarqués. Et je n’ai pas trouvé de drone.