Le Taronga Zoo est une attraction réputée de la ville de Sydney et mérite de s’y rendre, en ferry, ne fût-ce que pour la vue qu’il offre sur la ville. Si j’y suis aujourd’hui, c’est pour rencontrer le Dr Larry Vogelnest, vétérinaire responsable du Taronga Wildlife Hospital. J’ai depuis longtemps un sentiment mitigé vis à vis des parcs zoologiques mais le métier de vétérinaire de zoo m’a toujours fasciné. Lorsque Larry s’éloigne un peu des ses petits (et grands) protégés, il tente de sauver une espèce en voie de disparition de l’autre côté de la planète.
C’est au milieu des kangourous que cet homme passionnant et passionné m’a donné rendez-vous pour répondre à mes questions…

Larry Julien

As-tu toujours été attiré par la faune sauvage ?
Mon père est vétérinaire et j’ai grandi en Afrique du Sud où la biodiversité est incroyable. Depuis tout petit, je passe donc mes vacances dans les parcs nationaux et je suis entouré de toutes sortes d’animaux. Je suppose que cet environnement a contribué à ma passion pour la faune sauvage !

Vétérinaire, c’était un rêve de gosse, une vraie vocation ?
En fait mon choix de devenir vétérinaire est arrivé plus tard, à la fin de mes études secondaires. Je voulais travailler avec les animaux sauvages et étudier la zoologie. Mon père m’a organisé une journée avec le vétérinaire du zoo de Johannesburg. C’est lui qui m’a vivement conseillé de me diriger vers les études vétérinaires si je voulais espérer avoir un métier proche de la « wildlife ».
Peu de temps après, ma famille a déménagé en Australie et je suis donc entré à la Faculté Vétérinaire de l’Université de Sydney.

Larry Pingouin

Etre vétérinaire de zoo c’est être à la fois clinicien, nutritionniste, éleveur, épidémiologiste, éthologue, chercheur… Quelle est la partie de ton métier que tu préfères ?
C’est vrai que nous pouvons être confrontés à toutes ces disciplines et bien entendu sur un grand nombre d’espèces différentes. J’aime beaucoup la médecine préventive qui a une place importante au sein d’un zoo. Mais nous avons besoin de connaissances pointues en reproduction, en anesthésie et en médecine interne. Tout ça est très intéressant et j’aime mon job dans sa globalité.

Larry Tigre

Jusqu’où va la médecine zoologique ? Peux-tu avoir recours à l’avis de spécialistes ?
Nous sommes capable de gérer beaucoup de choses à l’hôpital du zoo mais parfois nous avons effectivement recours à des spécialistes. Si par exemple un animal a un problème aux yeux, nous pouvons réaliser les examens et les traitements de base mais nous avons la possibilité de faire venir un vétérinaire ophtalmologue si nécessaire. Ils sont d’une aide précieuse et ils aiment beaucoup venir nous rendre service au zoo. Je trouve que c’est une très belle collaboration.
Nous venons d’ailleurs d’engager une vétérinaire nutritionniste qui va renforcer encore plus notre équipe.

Cam et Aurélie
Examen ophtalmologique d’un Echidna, seul mammifère au monde pondant des oeufs avec l’Ornithorynque – Dr Cameron Whittaker

Avez vous accès a un  équipement aussi moderne et pointu que celui utilisé en routine pour nos animaux de compagnie ?
Nous avons la chance d’avoir un hôpital bien équipé puisque nous possédons notre propre appareil radio ainsi qu’un échographe et nous pouvons réaliser certaines analyses sanguines. Mais il n’est pas rare que nous emmenions les animaux malades faire certains examens en dehors du zoo, notamment lorsqu’il faut faire un scanner ou un IRM. Nous rêvons d’avoir notre propre scanner ici au zoo, c’est un outil formidable !

Quel est l’animal qui te fascine le plus dans le zoo ? As-tu un chouchou ?
Question difficile ! C’est impossible pour moi d’en choisir un en particulier. Si je devais choisir je dirais sans doute les chimpanzés. Tous les primates sont passionnants.
Mais j’aime aussi travailler avec les oiseaux, les otaries… Un animal très charismatique, c’est la girafe. Tu vois, impossible de choisir, ils sont tous incroyables…

Larry Otarie

Girafe

Quel est celui que tu connais depuis le plus longtemps?
Je suis au zoo depuis plus de 22 ans et certains animaux étaient ici bien avant moi ! Il y a par exemple une femelle chimpanzé que je connais très bien. Elle vient d’avoir 61 ans, et je crois qu’elle m’aime bien !

Combien as-tu de patients potentiels dans le zoo ?
Il y a 4000 animaux. Chaque jour il y a quelque chose d’intéressant à faire, des soins très différents à donner selon les espèces.
En plus de ceux là, nous prenons également en charge la faune sauvage locale que les gens peuvent nous amener lorsqu’ils trouvent un animal blessé sur la route par exemple.
Notre objectif est évidemment de pouvoir les remettre le plus rapidement possible dans leur milieu naturel et en bonne santé. C’est très gratifiant de pouvoir prendre soin de notre faune australienne en plus de celle du zoo.
Si malheureusement un animal meurt, nous réalisons systématiquement une autopsie afin de connaître les causes exactes de la mort, d’étudier les maladies présentes dans la région et de pouvoir améliorer nos compétences.

Larry Possum
Auscultation d’un jeune Possum, petit marsupial très fréquent en Australie

Le public connaît les zoos pour leurs côtés touristique et divertissant mais on ignore souvent le rôle crucial de certains parcs zoologiques dans la conservation de la faune et surtout des espèces menacées. J’imagine que c’est important pour toi ?
Absolument. Au Taronga nous nous focalisons vraiment sur la recherche et la conservation des espèces. Le zoo contribue directement et indirectement à beaucoup de projets de conservation, en fournissant des fonds ou en nous impliquant concrètement sur le terrain pour protéger les espèces menacées.
Nos vétérinaires travaillent également en dehors de l’hôpital du zoo.
Pour te donner un exemple, le Brush Tailed Rock Wallaby est une espèce en danger qui risque de disparaître en Australie… et donc dans le monde!
Deux fois par an je me rends dans une de leurs colonies à quelques heures de Sydney afin d’examiner certains animaux et de trouver des moyens pour lutter contre leur disparition.

Brush Tailed Rock Wallaby
Une femelle Brush Tailed Rock Wallby et son « Joey » dans sa poche marsupiale

Je travaille également au Vietnam sur des espèces menacées de primates. Une de nos vétérinaires s’occupe de chimpanzés en Afrique pendant qu’une autre soigne les mammifères marins.

Y a t il un animal que tu ne connais pas et que tu rêverais d’approcher un jour ?
Je pense que je suis assez satisfait, on a déjà beaucoup de chance ici avec les animaux que nous côtoyons. Ce n’est pas vraiment mon but dans la vie de rencontrer les animaux les plus fous.

Quels sont les animaux les plus difficiles à soigner ?
Certains sont un véritable challenge. Les insectes par exemple !
Les poissons peuvent aussi être très compliqués à examiner et demandent des connaissances bien spécifiques. Les tortues marines sauvages qu’on nous amène de l’extérieur sont souvent très délicates à soigner. Tout est enfermé dans cette énorme carapace, pas facile d’obtenir des informations ! Donc le diagnostic n’est pas évident en général… D’où l’intérêt du scanner qu’on fait fréquemment sur ce type d’animaux.
Avec les girafes également, c’est chaque fois un défi!

Girafes Skyline 
Durant les 20 dernières années, as-tu constaté un engouement des jeunes vétérinaires pour la faune sauvage ?
Tout à fait. Le nombre d’étudiants vétérinaires qui veulent travailler avec la faune sauvage est 100 fois plus élevé maintenant. De mon temps, il devait y avoir 2 ou 3 personnes par promotion qui s’intéressaient à ce domaine. Maintenant on parle de 70% des étudiants !
Nous avons des stagiaires avec nous en permanence, et tout est réservé 3 ans à l’avance. Les places sont prises jusque 2016 et c’est une bonne chose car je pense que c’est lié à une certaine prise de conscience de l’importance de notre faune sauvage.

Comment aider l’hopital du Taronga Zoo ? Vous devez avoir besoin de beaucoup d’argent pour prendre soin de tous ces animaux, d’où vient le soutien financier ?
Il y a bien sur les entrées du zoo, puis des dons de fondations ou de particuliers et des entreprises qui nous soutiennent. Pour l’hôpital nous recevons des aides de laboratoires pharmaceutiques vétérinaires qui nous fournissent des médicaments gratuitement, ce qui nous aide énormément.

Larry Echidna

Que penses-tu de la mode des Nouveaux Animaux de Compagnie et de ces animaux exotiques qui se retrouvent dans nos maisons ?
C’est discutable. Certaines espèces exotiques peuvent faire d’excellents animaux de compagnie mais d’autres absolument pas. En Australie par exemple, il y a une tendance à avoir des kangourous ou des possums comme animal de compagnie, et ça ce n’est pas acceptable. Même si certains d’entre eux parviennent à s’adapter avec le temps, ils ne seront jamais aussi épanouis qu’un chien ou un chat.
L’autre problème majeur, c’est que les gens ne connaissent pas tous les besoins de ces espèces moins connues et ne sont donc pas toujours capables de s’en occuper correctement.
C’est vraiment le bien-être de l’animal qui doit être au centre du problème.
Certains de ces animaux sont parfois relâchés dans la nature parce que les gens n’en veulent plus ou se laissent dépasser par la situation. Et cela peut être un danger pour la faune locale, ou même pour les humains. Particulièrement avec les reptiles en Australie…

Central Bearded Dragon
Jeunes Pogonas ou Australian Bearded Dragons, inoffensifs!

As tu des animaux de compagnie ?
Evidemment ! 2 chiens, 2 chats, 2 perruches, 40 poissons, … Et c’est tout !

Quel est ton meilleur souvenir après tant d’années passées dans le zoo ?
Il y a tellement d’expériences incroyables…
J’ai voyagé avec 10 gorilles dans un avion afin de contrôler leurs conditions de transport et leur état de santé avant de les replacer dans leur environnement.
Je suis allé en Thaïlande travailler avec des éléphants et en Antarctique soigner des phoques. C’est chaque fois inoubliable, j’ai énormément de chance de pouvoir faire ce métier et j’y pense tous les matins. Me dire que je peux contribuer à la protection et à la sauvegarde d’une espèce, c’est formidable…

Qu’avez vous pensé de cette interview?
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Pour en savoir plus sur le Taronga Zoo et son hôpital : http://taronga.org.au/animals-conservation/wildlife-hospitals/tarongas-wildlife-hospitals

2 commentaires sur « De l’insecte à la girafe, Larry nous décrit son quotidien fascinant de vétérinaire au Zoo de Sydney »

  1. Un métier vraiment passionnant. Ça donne vraiment envie de faire ce métier et ces études réputées difficiles ! Travailler dans un zoo, rien de plus passionnant que d’être en contact avec les animaux du monde !

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